Souvenir
d'André Dubois
C'est
de 1979 à 1981 que datent mes souvenirs principaux
de celui qui fut un de mes professeurs de culture générale
à l'école des Beaux-arts de Lyon.
Je ne le connaissais pas avant, ce fut donc, d'abord entre
nous, une relation d'élève à professeur.
A l'époque, le contexte pédagogique de cette
école était plus que décevant, décourageant.
Je faisais partie de la vingtaine d'élèves
de probatoire, issue de section artistique. Ayant été
formés pendant 3 ans à l'histoire de l'art
de manière chronologique de Lascaux jusqu'au pop'art
par un professeur extraordinaire, Jean-Louis MASSON (A.DUBOIS
le connaissait aussi), les cours de culture générale
nous apparaissaient incohérents, liés à
des aspects ponctuels, sans réelle vision d'ensemble,
discontinus.
La formation plastique était aussi, à cette
époque, affligeante dans cette école, les
premiers cours de couleur portaient sur la réalisation
du cercle chromatique, comme au CM2.
Je ne garde donc pas beaucoup de souvenirs des cours d'A.DUBOIS
en amphi .
Mais
André DUBOIS ne se limitait pas à cette
place.
Il se promenait dans l'école, venait voir les élèves
et s'intéressait à certains travaux, tentatives
et recherches de certains d'entre-nous.
Je fus un de ceux là je crois.
C'est de cela dont je voudrais témoigner.
Je
suis arrivé dans cette école dans la poursuite
d'une recherche plastique orientée par la répétition,
la circularité, le noir et blanc. DUBOIS a été
d'emblée très intéressé par
cela. Il me disait qu'une telle attitude l'engageait aussi
dans ses recherches personnelles ainsi que dans certains
choix du collectionneur qu'il était.
L'école fermait à 18h00 et très vite
il m'a invité à poursuivre nos discutions
chez lui.
C'est ainsi que j'ai pu voir qui il était, dessinateur
mais aussi collectionneur.
Je n'ai connu de son appartement que la porte d'entrée,
le couloir et qui menait au salon ou il me recevait. Des
rideaux épais de chaque coté des fenêtres,
des tapis, des fauteuils, des tableaux posés au
sol contre les murs.
C'était là au sens propre comme au figuré,
un lieu mental.
Il collectionnait GLEIZE, Jacques VILLON, Jean CHEVALLIER
je crois, Max SCHOENDORFF, c'est là aussi que j'ai
du voir pour la 1ere fois un Armand AVRIL et surtout Philippe
DEREUX.
Sa collection couvrait des extrêmes, aventure dans
l'histoire de l'art ou dans son monde personnel, ce qui
l intéressait, je crois, c'était de penser
l'uvre à la fois comme une chose mentale,
historique et personnelle.
De ce point de vue, sa collection était déjà
un acte de création autour de cette idée.
Il me montrait avec cette collection que mes recherches
s'inscrivaient dans une continuité, qu'elles n'étaient
pas sans histoire, quelles n'étaient pas seulement
historiques mais aussi la possibilité d'une aventure
intérieure et il m'encourageait à poursuivre
dans cette direction qui était la mienne et m'opposait
à la plupart de mes professeurs de l'école
de cette époque.
L'appartement devait être vaste- des portes débouchaient
sur le salon, je devinais d'autres pièces- et mystérieux
: pendant nos entretiens des présences se faisaient
sentir à coté. Je me souviens de silhouettes
qui passaient parfois, sans doute celles du couple d'algériens
(je crois) qui l'accompagnait dans ses promenades, tantôt
l'homme, tantôt la femme, parfois les eux, avec
son cigare omniprésent.
André
DUBOIS était un marcheur, un promeneur et nous
partagions aussi cela.
Il
me montrait aussi quelques-uns de ses dessins, nocturnes.
Je me souviens tout particulièrement d'un : une
spirale, sur une feuille quadrillée à marge
scolaire. Un dessin bouleversant, on voyait la lenteur
du tracé du stylo bille. Combien de minutes, d'heures
peut être pour inscrire ce cheminement pas seulement
graphique mais psychique aussi. En effet, il ne me cachait
pas qu'il avait une relation douloureuse et souffrante
à ce domaine.
De toutes les uvres que j'ai pu voir chez lui, ce
dessin de sa main reste pour moi le plus marquant.
Je
lui dois aussi la découverte des gravures de Jacques
VILLON.
La pointe sèche actuellement exposée dans
le musée, je l'ai tenue entre mes mains à
cette époque car elle n'était pas encadrée.
Je me souviens aussi de l'avoir entrevue, une semaine
plus tard, posée sous le fauteuil que j'occupais.
Détachement, négligence ou absence, je ne
sais pas, mais une chose s'imposait chez lui, sa collection
ne faisait pas galerie, elle faisait support à
échanges.
Cette
attitude, je la retrouvais dans l'école notamment
à l'occasion des passages d'U.V de culture générale.
André DUBOIS ne tenait pas bureau pour cela. Il
donnait rendez-vous dans un lieu de notre choix. Pour
moi c'était l'atelier de gravure. Un atelier marginal
dans la pédagogie de l'école à cette
époque d'émergence des nouvelles technologies
graphiques.
J'y étais pratiquant.
Nous y étions tranquilles pour discuter de gravure,
de notions de multiples, de positif/négatif, noir
et blanc, de support papier, de répétitions
propres à ce médium.
Nous partagions cet intérêt pour tout cela,
au point d'en oublier le pourquoi d'être ici, moi
pas, j'étais là pour valider le dernier
de mes U.V, le rappelant à mon professeur il me
répond :
" Mais tu l'a déjà obtenu au fil de
chacune de nos discussions " ( !? )
Je ne sais pas si André DUBOIS a été
un bon pédagogue, et cela n'a aucune importance
pour moi, il a été surtout en tant qu'uvrant
lui-même, collectionneur et professeur quelqu'un
qui accompagnait parfois les artistes en devenir.
Catalogue
de l'exposition : Histoire d'un il, la collection
André DUBOIS- 6 Juillet/25 Septembre2006. Musée
des Beaux-arts de Lyon.
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