>Dit / Ecrit >Souvenirs d'André Dubois, J.P. Bui-Van Septembre 2006

 

Souvenir d'André Dubois

    C'est de 1979 à 1981 que datent mes souvenirs principaux de celui qui fut un de mes professeurs de culture générale à l'école des Beaux-arts de Lyon.
Je ne le connaissais pas avant, ce fut donc, d'abord entre nous, une relation d'élève à professeur.
A l'époque, le contexte pédagogique de cette école était plus que décevant, décourageant.
Je faisais partie de la vingtaine d'élèves de probatoire, issue de section artistique. Ayant été formés pendant 3 ans à l'histoire de l'art de manière chronologique de Lascaux jusqu'au pop'art par un professeur extraordinaire, Jean-Louis MASSON (A.DUBOIS le connaissait aussi), les cours de culture générale nous apparaissaient incohérents, liés à des aspects ponctuels, sans réelle vision d'ensemble, discontinus.
La formation plastique était aussi, à cette époque, affligeante dans cette école, les premiers cours de couleur portaient sur la réalisation du cercle chromatique, comme au CM2.
Je ne garde donc pas beaucoup de souvenirs des cours d'A.DUBOIS en amphi .

Mais André DUBOIS ne se limitait pas à cette place.
Il se promenait dans l'école, venait voir les élèves et s'intéressait à certains travaux, tentatives et recherches de certains d'entre-nous.
Je fus un de ceux là je crois.
C'est de cela dont je voudrais témoigner.

Je suis arrivé dans cette école dans la poursuite d'une recherche plastique orientée par la répétition, la circularité, le noir et blanc. DUBOIS a été d'emblée très intéressé par cela. Il me disait qu'une telle attitude l'engageait aussi dans ses recherches personnelles ainsi que dans certains choix du collectionneur qu'il était.
L'école fermait à 18h00 et très vite il m'a invité à poursuivre nos discutions chez lui.
C'est ainsi que j'ai pu voir qui il était, dessinateur mais aussi collectionneur.
Je n'ai connu de son appartement que la porte d'entrée, le couloir et qui menait au salon ou il me recevait. Des rideaux épais de chaque coté des fenêtres, des tapis, des fauteuils, des tableaux posés au sol contre les murs.
C'était là au sens propre comme au figuré, un lieu mental.
Il collectionnait GLEIZE, Jacques VILLON, Jean CHEVALLIER je crois, Max SCHOENDORFF, c'est là aussi que j'ai du voir pour la 1ere fois un Armand AVRIL et surtout Philippe DEREUX.
Sa collection couvrait des extrêmes, aventure dans l'histoire de l'art ou dans son monde personnel, ce qui l intéressait, je crois, c'était de penser l'œuvre à la fois comme une chose mentale, historique et personnelle.
De ce point de vue, sa collection était déjà un acte de création autour de cette idée.
Il me montrait avec cette collection que mes recherches s'inscrivaient dans une continuité, qu'elles n'étaient pas sans histoire, quelles n'étaient pas seulement historiques mais aussi la possibilité d'une aventure intérieure et il m'encourageait à poursuivre dans cette direction qui était la mienne et m'opposait à la plupart de mes professeurs de l'école de cette époque.
L'appartement devait être vaste- des portes débouchaient sur le salon, je devinais d'autres pièces- et mystérieux : pendant nos entretiens des présences se faisaient sentir à coté. Je me souviens de silhouettes qui passaient parfois, sans doute celles du couple d'algériens (je crois) qui l'accompagnait dans ses promenades, tantôt l'homme, tantôt la femme, parfois les eux, avec son cigare omniprésent.

André DUBOIS était un marcheur, un promeneur et nous partagions aussi cela.

Il me montrait aussi quelques-uns de ses dessins, nocturnes.
Je me souviens tout particulièrement d'un : une spirale, sur une feuille quadrillée à marge scolaire. Un dessin bouleversant, on voyait la lenteur du tracé du stylo bille. Combien de minutes, d'heures peut être pour inscrire ce cheminement pas seulement graphique mais psychique aussi. En effet, il ne me cachait pas qu'il avait une relation douloureuse et souffrante à ce domaine.
De toutes les œuvres que j'ai pu voir chez lui, ce dessin de sa main reste pour moi le plus marquant.

Je lui dois aussi la découverte des gravures de Jacques VILLON.
La pointe sèche actuellement exposée dans le musée, je l'ai tenue entre mes mains à cette époque car elle n'était pas encadrée. Je me souviens aussi de l'avoir entrevue, une semaine plus tard, posée sous le fauteuil que j'occupais.
Détachement, négligence ou absence, je ne sais pas, mais une chose s'imposait chez lui, sa collection ne faisait pas galerie, elle faisait support à échanges.

Cette attitude, je la retrouvais dans l'école notamment à l'occasion des passages d'U.V de culture générale. André DUBOIS ne tenait pas bureau pour cela. Il donnait rendez-vous dans un lieu de notre choix. Pour moi c'était l'atelier de gravure. Un atelier marginal dans la pédagogie de l'école à cette époque d'émergence des nouvelles technologies graphiques.
J'y étais pratiquant.
Nous y étions tranquilles pour discuter de gravure, de notions de multiples, de positif/négatif, noir et blanc, de support papier, de répétitions propres à ce médium.
Nous partagions cet intérêt pour tout cela, au point d'en oublier le pourquoi d'être ici, moi pas, j'étais là pour valider le dernier de mes U.V, le rappelant à mon professeur il me répond :
" Mais tu l'a déjà obtenu au fil de chacune de nos discussions " ( !? )

Je ne sais pas si André DUBOIS a été un bon pédagogue, et cela n'a aucune importance pour moi, il a été surtout en tant qu'œuvrant lui-même, collectionneur et professeur quelqu'un qui accompagnait parfois les artistes en devenir.

Catalogue de l'exposition : Histoire d'un œil, la collection André DUBOIS- 6 Juillet/25 Septembre2006. Musée des Beaux-arts de Lyon.
 

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