DISTANCE feuillet n°4 Juillet 1994

    Prends une forme : un corps par exemple ou une tête ou un arbre… un nuage, une grotte… une fenêtre, une rose…
Alors que de près tu prends conscience de la forme dans sa globalité seulement après que ton œil en ait parcouru les différentes parties ; de loin ton œil perçoit d'emblée une totalité, une masse puis distingue un ensemble de relations et de sous-parties locales derrière la distance qui sépare l'œil de la forme, derrière une portion d'atmosphère.

Où est l'exacte distance ? Le mélange de proche et d'horizon ? de fusion et de survol ?

Une forme, dès que tu la ressens peut-elle encore être considérée comme extérieure à toi ? séparée ? alors que tu l'investis alors qu'elle t'habite ?
Quelles perspective peut abolir l'espace par la profondeur ?
Quelle ligne de fuite nous conduira vers notre propre horizon ?
Cet ajustement du regard au motif par la vraie distance aux formes, c'est le véritable sujet de la peinture.

Hervé Fayel

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    PICASSO disait que depuis LASCAUX on n'a pas fait mieux mais différemment.
Je le pense aussi. Il y a dans cette grotte une des premières représentation humaine, un homme agonisant ou déjà mort en érection. La vie, la mort. L'interrogation fondamentale de tout être humain. Pour moi l'émotion de la vie fait la conscience de la mort et inversement, elles se qualifient mutuellement comme le blanc et le noir.

On n'a pas fait mieux depuis parce que l'interrogation demeure la même aujourd'hui. Pourquoi la peinture est-elle liée à ça ? Je ne le sais pas. Je crois qu'au début c'était une réponse obscure, une pulsion. Peindre est le propre de l'homme, le propre de ce qui est vivant et qui sait qu'il va mourir. Et puis on a commencé à mettre des mots autour, à faire référence à ce qui s'était fait avant, c'est devenu la culture, l'art.

On en oublie presque l'essentiel : une présence qui essaie de dialoguer avec le monde, son mystère, et qui fait de ce dialogue le sens de sa vie.
Autre chose de PICASSO que j'ai mis du temps à comprendre - il disait que si l'on mettait bout à bout toutes les peintures des artistes, il y aurait de quoi faire la distance de la terre à la lune et que lui n'était pas un artiste mais un peintre - je crois qu'il voulait dire par là qu'il était plus proche de l'expérience intérieure que du discours.

Une peinture n'est pas une image peinte.

J-P Bui-Van