>Dit / Ecrit >HYPO / BUI-VAN , Entretien radiophonique -12 Décembre 2003

 
HYPO / BUI-VAN , Entretien radiophonique Enregistrement public au Bleu du ciel, "Lyon en large" Radio Pluriel.

HYPO: C'est une exposition qui est une nouvelle exposition, on pourrait le dire ainsi, puisque vous avez exposé dans cette galerie il y a quelques temps. Un travail qui cette fois-ci s'intéresse à des toits. Mais quand je dis ça, je parle très mal de la peinture et si j'entends bien la façon dont vous peignez et dont parlez de votre peinture, je dirais le vocabulaire que vous employez, je ne parle pas du vocabulaire plastique dont on va parler mais au moins la façon dont vous parlez, je crois qu'il faudrait oublier nos notions un peu d'abstraction et de figuration pour retenir peut-être plus des questions comme la forme et l'apparence. Et lorsque je parlais de toits, je parle de toits et je pense immédiatement à l'environnement aussi bien de ce qui est sur le papier que celui qui vous a amené à reproduire des parcelles de réalités. Est-ce que je vois bien en disant ça de votre travail ?

JPBV: Oui les parcelles de la réalité, ça j'y tiens énormément parce que je tiens absolument à partir de sujets qu'on puisse partager. C'est-à-dire qu'avant la peinture c'est important qu'il y ait un moment de réalité qu'on puisse partager ça me permet, moi, de garantir du sens après, quand ça se transforme en peinture. Alors le choix des sujets, les toits, c'est aussi une façon de trouver dans la réalité des morceaux qui me permettent de faire de la peinture, c'est-à-dire qu'il y a des sujets qui peuvent se transformer en peinture et d'autre pas. Donc c'est pas un rapport à la réalité forcené. L'avantage des toits pour moi, c'est que comme j'aime bien garder du support, ça me permet de laisser le ciel vide. Il y a comme ca une espèce de transcription entre un élément et un vocabulaire plastique. Ce n'est pas seulement une démarche plastique, c'est une démarche éthique aussi parce que les toits ça permet de réfléchir à la dernière présence humaine dans un paysage et au-dessus : c'est vide. Enfin, pour moi le ciel est vide. Alors c'est un peu une réflexion comme ça sur sa présence au monde, à travers des sujets qui me permettent de développer en plus un vocabulaire plastique, parce que j'accorde énormément d'importance à ça, c'est qu'une peinture ce n'est pas seulement une image, mais ça doit se transformer en vocabulaire c'est son seul sens même au bout d'un moment.

- Oui, ce que je retiens aussi alors, c'est très intéressant de vous entendre parler et notamment de ce passage de cette matérialité à ces toits, à ces tuiles, à ces formes archétypales, vous me disiez, vous me souffliez ce mot là tout à l'heure, et je crois que c'est tout à fait ça et puis l'infini du ciel et, bon, ses nébuleuses qui sont dans le domaine peut-être précisément du cotonneux ou de l'imprécis, de l'indécis et je rejoins cette question que vous me disiez aussi importante de marge ou de non marge et peut-être que là on peut parler un petit peu de ce en quoi vous êtes peut-être une synthèse d'une peinture chinoise et d'une peinture occidentale. Je pense à ce que vous me disiez notamment sur l'absence de marge précisément de cette peinture chinoise.

- Moi, il me semble que lorsqu'on s'intéresse à la peinture, on se trouve en présence de deux grands ensembles. C'est l'Europe et c'est l'Extrême Orient. D'autres civilisations ont élues autre chose, le tissage en Amérique du Sud, c'est un truc majeur, la poterie, alors la peinture dès qu'on s'y intéresse on se trouve vraiment en présence de deux grands ensembles qui ont en plus une continuité. Alors moi je me sers là dedans…c'est à dire que maintenant tous les peintres disposent d'un ensemble d'histoires, de représentations qui traversent les siècles et tous les vocabulaires sont égaux et on choisit en fonction de ce que l'on recherche.
Alors c'est vrai que la peinture chinoise à des particularités c'est qu'elle a très tôt mis en évidence la présence du support. Donc ça, c'est un truc que je garde. La peinture occidentale, elle a très tôt travaillé sur, justement, la marge et le cadre et je trouve que ce sont des choses aussi que moi j'aime bien. Moralement qu'il y ait à la fois du cadre et de la marge je trouve ça très bien que ça puisse dialoguer.

- Alors autre dimension de votre travail aussi que j'ai remarqué, c'est sur cette matérialité là des toits notamment, la façon dont la peinture.. alors j'avais envie de vous demander d'ailleurs tout à l'heure, pour vous c'est quoi la peinture mais bon peut-être qu'on peut y revenir d'une façon un peu détournée mais la façon dont précisément ces estompages de peinture, d'encre, estompages en tout cas la façon dont le papier boit l'encre et finalement arrive à ces dégradés tout à fait intéressants. Si l'on représente bon peut-être ce qui peut se passer sur un toit, la mousse qui s'y trouve ou je ne sais quel élément peut-être un petit peu abstrait, enfin j'avais envie de dire ça comme ça, est-ce que c'est ces correspondances là c'est des choses qui…

- Je disais que je choisissais mes sujets, mes domaines de forme en fonction de ce qu'ils pouvaient devenir en peinture. C'est vrai que lorsqu'on observe vraiment un tel motif, on se trouve devant un ensemble de vocabulaires qui sont très proches de la peinture. On sort là on voit des dégoulinures suivant que ça pleut ou pas… il y a tout un domaine comme ça de correspondances avec la peinture dans ce type de sujet là, je trouve.

- Sur la question des marges, bon, pour y revenir encore, alors vos travaux sont encadrés…

- Oui

…c'est clair c'est-à-dire arrêtés quelque part là…

- Oui

…et en même temps on a envie de dire mais ils se poursuivent enfin le ciel il est là effectivement, il est là derrière.

- Oui, je pense que ça permets de transformer la peinture en objet. Je trouve ça très important qu'une peinture soit vue aussi comme ça, un rapport au vocabulaire, au support, que ce ne soit pas nécessairement, même pas du tout une illusion. On voit bien que c'est papier, que c'est fait avec des traits, des points, des lignes, il y un côté KANDINSKI dans mon vocabulaire c'est Trait / Point / Ligne. Qu'il y ait ce support, qu'en effet ce n'est pas une vrai fenêtre, c'est une fenêtre qui répond à des conventions. Je m'inscris un peu dans une tradition sur certains points…

- Oui c'est intéressant que vous me parliez de KANDINSKI là, et on a parlé avant d'un de vos travaux beaucoup plus ancien, enfin 15/20 ans en arrière et je disais, bon, c'est support surface et vous me disiez : " ben oui c'est important pour moi ". Pourquoi support surface alors ?

- Je ne suis pas du tout dans la démarche de support/surface actuellement mais je trouve qu'ils ont mis le poing, le doigt sur quelque chose d'assez important, c'est qu'une peinture ça peut être en effet que ses propres signes, sa propre matérialité, donc je trouve ça très important qu'il y ait pu y avoir comme ça une attitude très radicale dans ce sens là. Ce n'est pas satisfaisant pour moi d'en rester là. C'est-à-dire qu'à un moment…je pense un peu à ce que disait MALRAUX, je crois que c'est dans l'INTEMPOREL, il cite la phrase de Maurice DENIS qui annonce en fait support/surface c'est qu'avant d'être un cheval, une peinture est un ensemble de tâches et MALRAUX dit c'est pas si satisfaisant parce qu'on peut dire la même chose d'un carrelage et pourtant une peinture est différente d'un carrelage. Alors MALRAUX reprend la phrase de Maurice DENIS en disant en effet oui c'est ça, mais au service de quelque chose et je crois que c'est.. et là ce " au service de quelque chose " ça permet justement d'échapper…., parce que support surface ça devient… c'est très bien mais ça devient vite très pédagogique quoi, bon on sait comment est fait la peinture mais on l'oriente comment après ? Alors moi j'ai gardé des acquis de support/surface, oui, la matérialité du support, visible, le fait de tout traduire en traits points lignes, ça je l'ai gardé oui… mais je l'ai orienté.

- Peut-être une dernière question, alors c'est une question toute banale, enfin c'est sur les questions des formats. Parce qu'ici on a des formats relativement petits enfin par rapport même à la peinture chinoise ou par rapport à la peinture support surface qui a employé souvent des dimensions extrêmement importantes. Est-ce que vous avez travaillé sur des grands formats déjà ?

- Lorsque j'étais élève aux beaux- arts je travaillais sur des très grands formats 3 mètres par 3, des choses immenses. Mais là c'était des études…d'élève, là il y a des conditions matérielles qui font que c'est du papier et ce papier là n'existe pas dans les surfaces plus importantes.

- Vous pourriez nous dire ce que c'est ce papier ?

-C'est du BFK rives c'est un très bon papier, c'est du papier que l'on emploie pour la gravure. C'est un très bon papier qui réceptionne bien l'eau.

- Donc ce sont des encres au passage ou..

- C'est encre ou acrylique ou des mélanges encre/acrylique/gouache pour certaines matières. Mais là actuellement comme je travaille sur plus grand, je travaille sur 1m50.. donc là je marouffle ce même papier sur toile pour travailler plus grand parce que… Le support est à ce point important pour moi que passer du papier à la toile ça change de vocabulaire donc ça c'est… c'est très actif le support dans le vocabulaire, je crois que chaque support appelle aussi un domaine de forme c'est…

- C'est-à-dire que ce travail là, par exemple, vous ne l'imaginez pas sur de la toile ?

Pas avec du médium à l'eau. Donc j'imagine pas du tout parce avec l'huile on est dans un autre vocabulaire, j'exclue pas d'y passer mais ce sera un autre vocabulaire, voilà.





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