HYPO
/ BUI-VAN , Entretien radiophonique Enregistrement
public au Bleu du ciel, "Lyon en large" Radio
Pluriel.
HYPO: C'est une exposition
qui est une nouvelle exposition, on pourrait le dire ainsi,
puisque vous avez exposé dans cette galerie il y
a quelques temps. Un travail qui cette fois-ci s'intéresse
à des toits. Mais quand je dis ça, je parle
très mal de la peinture et si j'entends bien la façon
dont vous peignez et dont parlez de votre peinture, je dirais
le vocabulaire que vous employez, je ne parle pas du vocabulaire
plastique dont on va parler mais au moins la façon
dont vous parlez, je crois qu'il faudrait oublier nos notions
un peu d'abstraction et de figuration pour retenir peut-être
plus des questions comme la forme et l'apparence. Et lorsque
je parlais de toits, je parle de toits et je pense immédiatement
à l'environnement aussi bien de ce qui est sur le
papier que celui qui vous a amené à reproduire
des parcelles de réalités. Est-ce que je vois
bien en disant ça de votre travail ?
JPBV: Oui les parcelles de la réalité,
ça j'y tiens énormément parce que
je tiens absolument à partir de sujets qu'on puisse
partager. C'est-à-dire qu'avant la peinture c'est
important qu'il y ait un moment de réalité
qu'on puisse partager ça me permet, moi, de garantir
du sens après, quand ça se transforme en
peinture. Alors le choix des sujets, les toits, c'est
aussi une façon de trouver dans la réalité
des morceaux qui me permettent de faire de la peinture,
c'est-à-dire qu'il y a des sujets qui peuvent se
transformer en peinture et d'autre pas. Donc c'est pas
un rapport à la réalité forcené.
L'avantage des toits pour moi, c'est que comme j'aime
bien garder du support, ça me permet de laisser
le ciel vide. Il y a comme ca une espèce de transcription
entre un élément et un vocabulaire plastique.
Ce n'est pas seulement une démarche plastique,
c'est une démarche éthique aussi parce que
les toits ça permet de réfléchir
à la dernière présence humaine dans
un paysage et au-dessus : c'est vide. Enfin, pour moi
le ciel est vide. Alors c'est un peu une réflexion
comme ça sur sa présence au monde, à
travers des sujets qui me permettent de développer
en plus un vocabulaire plastique, parce que j'accorde
énormément d'importance à ça,
c'est qu'une peinture ce n'est pas seulement une image,
mais ça doit se transformer en vocabulaire c'est
son seul sens même au bout d'un moment.
- Oui, ce que je retiens aussi
alors, c'est très intéressant de vous entendre
parler et notamment de ce passage de cette matérialité
à ces toits, à ces tuiles, à ces
formes archétypales, vous me disiez, vous me souffliez
ce mot là tout à l'heure, et je crois que
c'est tout à fait ça et puis l'infini du
ciel et, bon, ses nébuleuses qui sont dans le domaine
peut-être précisément du cotonneux
ou de l'imprécis, de l'indécis et je rejoins
cette question que vous me disiez aussi importante de
marge ou de non marge et peut-être que là
on peut parler un petit peu de ce en quoi vous êtes
peut-être une synthèse d'une peinture chinoise
et d'une peinture occidentale. Je pense à ce que
vous me disiez notamment sur l'absence de marge précisément
de cette peinture chinoise.
- Moi, il me semble que lorsqu'on s'intéresse
à la peinture, on se trouve en présence
de deux grands ensembles. C'est l'Europe et c'est l'Extrême
Orient. D'autres civilisations ont élues autre
chose, le tissage en Amérique du Sud, c'est un
truc majeur, la poterie, alors la peinture dès
qu'on s'y intéresse on se trouve vraiment en présence
de deux grands ensembles qui ont en plus une continuité.
Alors moi je me sers là dedans
c'est à
dire que maintenant tous les peintres disposent d'un ensemble
d'histoires, de représentations qui traversent
les siècles et tous les vocabulaires sont égaux
et on choisit en fonction de ce que l'on recherche.
Alors c'est vrai que la peinture chinoise à des
particularités c'est qu'elle a très tôt
mis en évidence la présence du support.
Donc ça, c'est un truc que je garde. La peinture
occidentale, elle a très tôt travaillé
sur, justement, la marge et le cadre et je trouve que
ce sont des choses aussi que moi j'aime bien. Moralement
qu'il y ait à la fois du cadre et de la marge je
trouve ça très bien que ça puisse
dialoguer.
- Alors autre dimension de votre
travail aussi que j'ai remarqué, c'est sur cette
matérialité là des toits notamment,
la façon dont la peinture.. alors j'avais envie
de vous demander d'ailleurs tout à l'heure, pour
vous c'est quoi la peinture mais bon peut-être qu'on
peut y revenir d'une façon un peu détournée
mais la façon dont précisément ces
estompages de peinture, d'encre, estompages en tout cas
la façon dont le papier boit l'encre et finalement
arrive à ces dégradés tout à
fait intéressants. Si l'on représente bon
peut-être ce qui peut se passer sur un toit, la
mousse qui s'y trouve ou je ne sais quel élément
peut-être un petit peu abstrait, enfin j'avais envie
de dire ça comme ça, est-ce que c'est ces
correspondances là c'est des choses qui
- Je disais que je choisissais mes sujets, mes domaines
de forme en fonction de ce qu'ils pouvaient devenir en
peinture. C'est vrai que lorsqu'on observe vraiment un
tel motif, on se trouve devant un ensemble de vocabulaires
qui sont très proches de la peinture. On sort là
on voit des dégoulinures suivant que ça
pleut ou pas
il y a tout un domaine comme ça
de correspondances avec la peinture dans ce type de sujet
là, je trouve.
- Sur la question des marges, bon,
pour y revenir encore, alors vos travaux sont encadrés
- Oui
c'est clair c'est-à-dire
arrêtés quelque part là
- Oui
et en même temps on
a envie de dire mais ils se poursuivent enfin le ciel
il est là effectivement, il est là derrière.
- Oui, je pense que ça permets de transformer
la peinture en objet. Je trouve ça très
important qu'une peinture soit vue aussi comme ça,
un rapport au vocabulaire, au support, que ce ne soit
pas nécessairement, même pas du tout une
illusion. On voit bien que c'est papier, que c'est fait
avec des traits, des points, des lignes, il y un côté
KANDINSKI dans mon vocabulaire c'est Trait / Point / Ligne.
Qu'il y ait ce support, qu'en effet ce n'est pas une vrai
fenêtre, c'est une fenêtre qui répond
à des conventions. Je m'inscris un peu dans une
tradition sur certains points
- Oui c'est intéressant
que vous me parliez de KANDINSKI là, et on a parlé
avant d'un de vos travaux beaucoup plus ancien, enfin
15/20 ans en arrière et je disais, bon, c'est support
surface et vous me disiez : " ben oui c'est important
pour moi ". Pourquoi support surface alors ?
- Je ne suis pas du tout dans la démarche de
support/surface actuellement mais je trouve qu'ils ont
mis le poing, le doigt sur quelque chose d'assez important,
c'est qu'une peinture ça peut être en effet
que ses propres signes, sa propre matérialité,
donc je trouve ça très important qu'il y
ait pu y avoir comme ça une attitude très
radicale dans ce sens là. Ce n'est pas satisfaisant
pour moi d'en rester là. C'est-à-dire qu'à
un moment
je pense un peu à ce que disait
MALRAUX, je crois que c'est dans l'INTEMPOREL, il cite
la phrase de Maurice DENIS qui annonce en fait support/surface
c'est qu'avant d'être un cheval, une peinture est
un ensemble de tâches et MALRAUX dit c'est pas si
satisfaisant parce qu'on peut dire la même chose
d'un carrelage et pourtant une peinture est différente
d'un carrelage. Alors MALRAUX reprend la phrase de Maurice
DENIS en disant en effet oui c'est ça, mais au
service de quelque chose et je crois que c'est.. et là
ce " au service de quelque chose " ça
permet justement d'échapper
., parce que support
surface ça devient
c'est très bien
mais ça devient vite très pédagogique
quoi, bon on sait comment est fait la peinture mais on
l'oriente comment après ? Alors moi j'ai gardé
des acquis de support/surface, oui, la matérialité
du support, visible, le fait de tout traduire en traits
points lignes, ça je l'ai gardé oui
mais je l'ai orienté.
- Peut-être une dernière
question, alors c'est une question toute banale, enfin
c'est sur les questions des formats. Parce qu'ici on a
des formats relativement petits enfin par rapport même
à la peinture chinoise ou par rapport à
la peinture support surface qui a employé souvent
des dimensions extrêmement importantes. Est-ce que
vous avez travaillé sur des grands formats déjà
?
- Lorsque j'étais élève aux beaux-
arts je travaillais sur des très grands formats
3 mètres par 3, des choses immenses. Mais là
c'était des études
d'élève,
là il y a des conditions matérielles qui
font que c'est du papier et ce papier là n'existe
pas dans les surfaces plus importantes.
- Vous pourriez nous dire ce que
c'est ce papier ?
-C'est du BFK rives c'est un très bon papier,
c'est du papier que l'on emploie pour la gravure. C'est
un très bon papier qui réceptionne bien
l'eau.
- Donc ce sont des encres au passage
ou..
- C'est encre ou acrylique ou des mélanges encre/acrylique/gouache
pour certaines matières. Mais là actuellement
comme je travaille sur plus grand, je travaille sur 1m50..
donc là je marouffle ce même papier sur toile
pour travailler plus grand parce que
Le support
est à ce point important pour moi que passer du
papier à la toile ça change de vocabulaire
donc ça c'est
c'est très actif le
support dans le vocabulaire, je crois que chaque support
appelle aussi un domaine de forme c'est
- C'est-à-dire que ce travail
là, par exemple, vous ne l'imaginez pas sur de
la toile ?
Pas avec du médium à l'eau. Donc j'imagine
pas du tout parce avec l'huile on est dans un autre vocabulaire,
j'exclue pas d'y passer mais ce sera un autre vocabulaire,
voilà.
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